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31 décembre 2013 2 31 /12 /décembre /2013 14:50

Les Autres.

 

 

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[Boards Of Canada – tomorrow’s harvest 2LP – 2013]

A défaut de remettre en question leur propos (pour quoi faire ?), Tomorrow’s Harvest écoeure plutôt : pensez donc, Boards of Canada ne glande rien pendant plusieurs années, revient de nulle part, sort un disque qui n’a en définitive absolument rien de bien neuf à proposer, et me fait dire et écrire qu’il s’agit là de l’un des meilleurs albums de l’année, tous genres confondus, d’une sublime odyssée en terres électroniques analogiques. Ce savoir-faire est absolument gerbant.

 

 

http://f0.bcbits.com/img/a2172323711_10.jpg

[One Lick Less – spirits of marine terrace LP – 2013]

Le sublime du premier album ne laissait que peu de place au doute, le second disque du duo parisien ne pouvait qu’offrir finesse, ondulations anguleuses et accordage peu banal. La beauté de One Lick Less m’a toujours donné du fil à retordre, je manque de mots, de références (Slint ? Enablers ? leblues ?), d’adjectifs. Elle provient quoiqu’il en soit du talent conjugué d’un batteur autodidacte surdoué, ample et pourtant brut, et de Julien, relai émotionnel, chanteur/guitariste jouant d’un instrument que je ne saurai décrire et qu’on appelle ailleurs un lapsteel, fabrication maison. Elle provient à coup encore plus sûr de cette manière unique qu’ils ont de simplifier ce qui est en réalité compliqué.

Bref, lorsque vous aurez écouté et aimé, revenez vers moi, j’ai encore quelques copies du premier LP que j’ai coproduit. Clap.

 

 

http://www.swqw.fr/images/pochettes/scout_niblett_-_its_up_to_emma.jpg

[Scout Niblett – it’s up to Emma LP – 2013]

Peu ou prou de chamboulements chez Emma Louise, aka Scout, si ce n’est son éternelle inspiration : ses propres bouleversements sentimentaux. Donc, on sait que le gars sur la pochette, l’embrassé, est un sale con - pourtant il embrasse les yeux ouverts. On sait qu’Emma fera de lui une sublime source d’inspiration, une vengeance douce amère, on sait que son rock/blues décharné sera instinctif, guidé par la sensibilité de la belle, on sait qu’It’s Up To Emma fourmillera de mélodies délicates et néanmoins dures, que derrière sa mélancolie sommeillent toujours quelques excès de colère, que derrière ses airs de PJ Harvey se cache une sensibilité (dans la composition, cette fois) plus tordue, la rapprochant de Low ou Sonic Youth– ce sera selon vos critères d’appréciation. On le sait parce qu’il y a trois ans, The Calcination Of Scout Niblett, déjà produit par Albini, nous avait fascinés pour les mêmes raisons. En revanche, on ne s’attendait pas à un album aussi intime. Magnifique.

 


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[Jessica 93 – who cares LP – 2013]

Le Français le mieux inspiré par Godflesh – j’imagine – depuis vingt ans, soit depuis l’existence éphémère du one-man band Pore, se découvre sous un aspect moins brut, parce que relevant également un peu du grunge et beaucoup de la cold-wave (plus ou moins noise, psyché, shoegaze ou gothique). Je retiens de Godflesh une noirceur et une tonalité très urbaines - du côté de la zone industrielle -, puis je recentre le débat comme d’autres avant moi, entre les nappes brumeuses héritées de Cocteau Twins, une ambiance cryptique floue (comme la pochette) et absolument fascinante – notamment provoquée par le chant -, des boucles dissonantes à n’en plus finir, le tout bel et bien plongé dans un univers pop. Il est rouillé, pourri et glacial, mais il est pop. Probablement le coup de buzz francophone le plus mérité de l’année.

 

 

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[Pop 1280 – imps of perversion LP – 2013]

“Imp” : lutin. “Perversions” : perversions. Pop 1280 : le groupe qui a sorti en 2012 The Horror le bien-nommé, album marquant à bien des égards, mémorable au point que pendant plusieurs semaines, notamment à cause de la proximité entre les deux sorties, Imps Of Perversion sera resté dans le coin d’une étagère, au milieu des disques récents qu’on veut réécouter, par plaisir bien sûr, mais aussi et surtout pour s’assurer qu’on ne passera pas à côté d’un truc. Et le truc ici, c’est qu’il faut absolument dissocier ces deux albums malgré une esthétique inchangée. The Horror était une danse macabre, un  funeste exutoire synth-punk extrêmement cathartique, sorti droit du tombeau où pourrit tristement seule la carcasse de Cop Shoot Cop. Imps Of Perversion, lui, est plus insaisissable, différemment produit – moins « rêche » et plus ample -, plus synthétique, plus immédiat et moins Cop Shoot Cop. Pourtant il continue à subir de merveilleuses convulsions épileptiques, moins originales et radicales pour certains, plus variées pour d’autres. Lorsqu’Imps Of Perversions ne m’offre pas les plaisirs de The Horror, j’ai une solution idéale : j’écoute The Horror et je m’y tiens. C’est tout bénef’, ça me permet de me rappeler qu’Imps Of Perversion est bel et bien un autre disque.

 


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[Sigur Ros – kveikur 2LP – 2013]

Il faut définitivement être un sacré con pour ne jamais donner une chance aux remises en question. Mis à part un sublime DVD, le groupe islandais m’a toujours profondément fait pioncer. Pourtant, depuis trois mois Kveikur ne cesse de me faire fantasmer. Je ne me souviens plus pourquoi j’ai décidé de bousiller à ce point un scénario musical personnel pourtant bien huilé, mais je sais pourquoi je m’y tiendrai. Kveikur offre même des relents de The Young Gods, un son pop industriel magique, avant l’éternelle transe imaginaire en terre islandaise. J’ai vu l’Islande, j’ai vénéré ce Sigur Ros. Je vis à Poitiers, nous sommes le 13 décembre 2013, j’écoute Von de Sigur Ros et aujourd’hui même, je comprends enfin les origines d’un mythe.

 

 

 

 

 

http://www.securecrazydiamond.com/dizq/61283.jpg

[Sigur Ros – von CD – 1997]

Ecrire sur la musique est un confort ingrat, la transmission d’une passion certes fascinante mais singulièrement égocentrique, mouvante, constamment remise en question, un engouement dont la progression s’enrichit à mesure que ses fondations se solidifient. Aujourd’hui donc, en 2013 plus que jamais, je reconnais combien cet oubli et tant d’autres, cette ignorance même, ce rejet volontaire de sonorités qui durant toutes ces années n’étaient finalement que mésestimées, prouve l’ingratitude non seulement de ma reconnaissance, de mon engagement officieux vis-à-vis de ces artistes, mais peut-être également celle de tous les passionnés. N’ayez crainte, c’est elle-même qui nous renvoie régulièrement vers des périodes, genres, noms et sons si longtemps mis de côté. Ainsi participe-t-elle à l’intemporalité des musiques.

 

Rendez-vous donc service, ne sous-estimez jamais les talents cachés de votre propre curiosité.

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