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3 novembre 2012 6 03 /11 /novembre /2012 10:53

Un jour dans un bar, un mec m'a demandé pourquoi je ne vouais pas un culte à Metallica. Plus tard, comprenant que je vénérais au moins un titre de Eyehategod, il s'est exclamé, presque haineux : "comment un mec qui écrit sur la musique peut me dire qu'il n'aime pas Metallica, mon influence principale (original, monsieur), mais qu'il adore Eyehategod ?"

L'argument qui tue tout. Absolument tout. Réponse, argumentaire, et crédibilité.

Depuis, il boude. 

 

http://www.musicfearsatan.com/DSK/aguirre_fatalitas_(big).jpg

[Aguirre - fatalitas - 2011]

 

Je n'ose imaginer sa tronche si un jour il devait partager la scène avec les Bordelais de Aguirre. A l'heure où le so-called sludge relève finalement plus de Sleep, Neurosis ou d'un rock bûcheron que des Buzzov-En, Iron Monkey et autres dégénérés de Noothgrush, Aguirre me fait un bien d'enfer. Prenant racine dans le hardcore, ce son croque le bitume, boit des seringues et pisse du sang. This is what it's all about, en fin de compte. Loin d'être ridicule dans cet effort, ce groupe me fait pourtant ignorer toute notion de composition. Parce que la hargne, parce que l'urgence, parce que la radicalité font l'essence du sludge. Parce que la sensation que tout peut déraper fait le sludge. Parce que Aguirre s'émancipe petit à petit de tout un bagage, est plus lent et noir que jamais, et pourtant toujours aussi tendu. Un sanglant coup de coeur dédicacé au patron du Chiquito bar, à Paris.


 

 

Je me demande ce qu'aurait pensé ce même type si, à défaut de Eyehategod, je lui avais expliqué pourquoi Dazzling Killmen était si primordial. Pour le mec habitué au riff poli, la patte de Nick Sakes peut griffer. Pour celui qui ne sait pas et ne veut pas savoir, Dazzling Killmen n'est qu'un hurlement tordu sur fond de rythmes bancals. Comme dirait l'autre, "si ce truc est resté inconnu, c'est qu'il doit bien y avoir une bonne raison, hé, hein, té ?"

 


 

 

La bonne raison, c'est que Dazzling Killmen représente à la fois le besoin animal d'une musique viscéral pour un musicien virtuose, et le besoin animal d'un investissement total pour un néophyte qui ne maîtrise que dalle. 

Il y a plus de vingt ans, l'ignorant s'appelle Nick Sakes, approche les 30 ans, et vient à la conclusion que si un jour il veut jouer de la musique, c'est le moment ou jamais. Il prend une guitare, en apprend vulgairement les bases, prend un micro... La virtuosité, ce sont les deux étudiants en école de jazz, le bassiste Darin Gray et le batteur Blake Fleming, "recrutés" par Sakes. De l'union sacrée naîtra une musique magique parce qu'indéfinissable, à la fois sublime et dégueulasse, bancale et rigoureuse. Lui envoie des riffs tordus et un chant torturé, son feeling, ses tripes. Eux fournissent une rythmique hallucinante, sèche, brute, terriblement technique. 

 

http://images.hhv.de/catalog/detail_big/00275/275851.jpg

[Xaddax - counterclockwork - 2012]

 

Vngt ans plus tard, je ne suis pas bien certain que Nick Sakes maîtrise mieux son instrument. Il y a eu Dazzing Killmen, le split, puis Colossamite, le split, puis Sicbay, et le split. Son retour en 2012 (combiné à un étrange retour d'informations sur Dazzling Killmen par feu-Dazzling Killmen, via les réseaux sociaux, via la réédition de Dig Out The Switch, via, on l'espère, du neuf et du concret en 2013), avec à ses côtés sa femme Chrissy Rossettie (batterie, samples), surprend. Puis Xaddax impose sa loi et ses codes : les années 90 du noise rock dans leurs démonstrations les plus extrêmes. Counterclockwork, premier album, écorche, épuise, assourdit. Aux riffs expéditifs et hâchés répondent des samples hallucinogènes ; au chant ravagé répondent des rythmes tribaux et radicaux. Electronique, organique, physique, Xaddax combine les intentions et mulitplie nos sensations. A peine croyable, la beauté du projet tient à la fois en un rappel magistral du CV de Sakes et une représentation toute nouvelle de son feeling, probablement dynamité par l'investissement de sa femme. Le bonus de Xaddax, c'est de permettre par la même occasion au label Skin Graft, gloire des années 90 citées ci-dessus, de remettre un beau couvert. 

Après le retour tonitruant de Big'N en 2011, on se prend à rêver... 

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